lundi 20 novembre 2017

Torture, chapitre 4






                La brume ce matin est épaisse, la nuit est toujours bien noire, les oiseaux n’ont pas encore débutés leurs chants matinaux et pourtant ça fourmille autours ma voiture.

"-Tout y est!" me dit Adrien; sûr de lui.
Sans hésiter et à vrai dire dans une confiance basée sur la fainéantise, les membres encore engourdis par une nuit bien trop courte je claque ma portière et démarre la bagnole.
Des heures de route nous séparent de notre baraque. Il va falloir prendre notre mal en patience car on le sait, là où on va le lâcher prise et la persévérance règnent en maîtres.
On se l’est dit, tant qu’on le pourra on y reviendra et ce, chaque année.  J’aime refaire les mêmes routes, retourner sur mes pas. Je ne sais pas pourquoi mais ça me plaît beaucoup. Peut-être les souvenirs dont le bitume en est imprégné, ce parfum de vacances, de sensations encrées que l’on souhaite revivre.


Cette année, c’est la quatrième fois pour moi et nous ne ferons que ressasser les histoires des voyages précédents. On peaufine la nouvelle stratégie de pêche, les théories y vont de bon train. Ainsi, la route parait moins longue. Et c’est bien vrai, les allers sont toujours plus courts que les retours.
 

Une fois passé le col, c’est dans un bouillonnement d’excitation que nous entreprenons la descente vers le lac. Dans les virages en épingle qui longent un petit cours d'eau j'envoie un grand coup de volant ; OUFF !!! Je l'ai évité de peu!
Je me gare sur le bas-côté et au pas de gymnastique je me dirige vers la bête. Une magnifique salamandre que l'on relâchera un peu plus bas, loin des automobiles.

Ça y est, enfin nous y sommes. La piole est là, posée sur un bout de rocher avec le lac en contre bas. Quelques secondes s’envolent devant la carte postale. ...


Allé, on s'active!!! On vide la bagnole, organise les placards, remplit le frigo, empile les 30 kilos d’oignons doux des Cévennes qu’Adrien a embarqué. Oui, 30 kilos… Bref  on se bouge car nous n’avons qu’une idée en tête ; faire nos premiers lancés ! On monte les cannes, on s’équipe chaudement et GO !!!
Quoi que, avant de partir ça ne serait pas mal de lancer un feu dans le poêle à bois histoire d’être bien à notre retour. car ne le nions pas on est un peu en mode berger dans cette maisonnette bien rustique. Ni une ni deux, c’est fait et nous voilà à barouder sur les berges.
Raaa la montagne, ça vous débouche le nez !


On pêche, détendu mais mon cœur vient soudainement de s’emballer comme une vieille tondeuse devant une touffe d’herbe fraîche ! En effet une masse sombre est montée sous mon leurre et plus rien. Je relance et voilà qu’une fusée arrive plein pot dans ma direction et rate le leurre au dernier moment, quasiment dans mes pieds ! Bon sens mais cette truite était vraiment grosse !!!!!


FFFFiiiouuuuu ça palpite dans mon slip !!!! Je m’emmêle les pinceaux, il me faut me calmer là!!! OOhhh hhhuuuuu, je change de leurre, je souffle et je relance. Je mouline, putain elle remonte, je jerk, et je fais une pause………………………… BANG !!! FERRRAGE !!! C’est pendu, ma One Rod d’Okuma fait la gueule, le moulinet hurle, la tresse fend la surface dans un grand ZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII qui résonne jusque dans la vallée !!!! HIHAAAAA la bougresse a du gaz, le combat est rude et du bord ça déménage !
Adrien accourt à mon secours et d’une main de maître m’épuise le poisson du premier coup. Yess, ça c’est bon ! 63 cm de muscles et d’agressivité sont là, tranquillou dans l’épuisette à reprendre des forces avant de repartir rejoindre les autres truites lacustres.

A ce moment on ne le sait pas encore mais c’est une fin de journée où il y aura beaucoup d’activité. Adrien en enchaînera quelques autres tandis que la nuit commence à tomber. L’humidité monte et le froid nous envahit. Il est grand temps de rentrer accueillir le troisième luron de la bande, à savoir le terrible Cossec.  
A travers les petits carreaux sales de l’unique fenêtre de leur maison de pierre on peut voir s’activer les 3 compères.  Préparation de l’apéro, du repas et d’un gros feu autour duquel ils resteront agglutinés pour se réchauffer en festoyant et en parlant fort. Voilà la soirée, refaire le monde halieutique avant de s’y frotter !

Dès le lendemain, les yeux un peu collés, les automatismes se mettent en place. Préparer le casse-croute, enfiler les waders, monter les cannes, sélectionner les leurres et gonfler les float tube avant de se jeter à l’eau !  

C’est comme ça là-bas, comme ça qu’on aime laisser filer le temps. Niveau pêche ? Difficile comme d’habitude. Météo très changeante, pluie, soleil, neige, brouillard, vent, chaud, froid bref rien de stable et donc rien d’évident pour la pêche mais il faut jouer avec les éléments et être sur l’eau au moment des pics d’activité car une chose est sure, il y a des pèriodes d’euphorie alimentaire suivis de néants démoralisateurs.
Comment expliquer cela ? Je n’en sais rien, je dirai que c’est ce qui fait débat, qui fait écrire, réfléchir, qui fait vendre et qui rend notre passion passionnante. Au fond, je dirai qu’il ne vaut mieux pas savoir.
Mais pour paraître moins spirituel c’est surement une corrélation entre conditions météorologiques (pression atmosphérique/ température/ luminosité) et lune + activité des proies ciblées. Voilà, avec ça on a peut-être la recette de la réussite ; ou pas…  
Alors torture ? Et bien pour ce gros week-end j’avoue que le nom  « torture » ne se justifie pas vraiment(mais bon c’est le nom de cette série d’articles liés à cette destination hein). La douleur à l’épaule est restée discrète et les poissons sont arrivés à l’épuisette en quelques minutes.
Mais là où j’y vois tout de même une torture, plus mentale c’est dans ce goût très désagréable que m’a laissé le séjour.
Oui, un goût de frustration des plus intenses. Alors certes, notre passion est bien motorisée par la frustration mais quand même, ça fait mal !! Je m’explique :
Chaque année, l’un d’entre nous touche un poisson si puissant qu’on n’en voit pas le bout de la queue et cette année, c’est tombé sur moi. Un fish embusqué au raz de la bordure s’est emparé du leurre à la tombée. J’ai à peine eu le temps de prendre contact que j’étais déjà attelé à un missile. Confiant en mon matériel (canne casting okuma one rod en 10/30gr, moulinet okuma komodo, tresse en 18 centièmes, fluoro en 30 centièmes) je me lance dans un combat tout de même assez surprenant de part la violence avec lequel il avait commencé. Le sondeur affiche 9 m de fond. Je me dis que ça va mais la truite ne cesse de prendre du fil. A la fois gonflé d’adrénaline et surpris je regarde les potes en leur disant, stupéfait, que je ne peux rien faire. Impuissant face à ce rouleau compresseur qui me laissa juste imaginer un poisson de fou. Mais ça, c’était juste avant de me sentir bloqué, le leurre complètement planté dans un arbre.  Là, tout s’écroule....


La montée d’adrénaline qui me faisait gonfler le cou et sortir les yeux disparait, laissant s’effriter le rêve d'un poisson trophée. Oublier le fait de voir au moins à quoi pouvait ressembler la bête. Je suis sourd, je n’ai plus de force et je regarde ma canne en attendant que le combat reprenne, en vain. C’est foutu mais le pêcheur a besoin d’un moment avant de reprendre du service. Ces instants remplis d’émotion me feront revenir.


Ce sont les poissons que l’on rate qui sont les plus gros et nos records sont bien souvent dans notre tête avant de finir un beau jour entre nos mains. Cet endroit, comme beaucoup d’autres doit rester magique et même sous la torture je ne le dévoilerai jamais. Et pour ceux qui le connaissent faites en de même, n’y voyez aucune menace hahaha mais sachez que ce lac est profond, très profond….
Merci à Arnaud et Adrien et vite, qu'on y retourne!



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