mercredi 2 septembre 2020

De retour

 


        L'appropriation, quelle belle notion ! S'approprier c'est comme serrer fort contre soi. lorsque l'on découvre et que l'on apprécie quelque chose et bien on se l’approprie et par conséquent on va l'aimer et le protéger.

C'est ce qu'il se passe avec les endroits que j'aime. En quelque sorte c'est comme s'ils m'appartenaient.

Après plus d'un an de voyage je me suis rendu compte que la nature que j'aimais le plus était celle de chez moi, celle qui m'a vu grandir, celle où j'ai ressenti des sensations de folie ou pas, que ce soit à la pêche, en ballade seul ou avec des amis. J'ai beau avoir vu des endroits plus formidables les uns que les autres rien n'y fait ; ma rivière n'en sera que plus belle ; la plus belle.





Voilà ce que j'aurais retenu de la leçon des rencontres où cet état d'esprit était dans le cœur de beaucoup durant ce périple. L'humilité et l'amour que l'on ressent pour notre rivière. C'est là dedans que le pêcheur est utile, peut-être même essentiel.

Bref, fini les rêveries petit poney ! De retour au pays il y a eut du chicot à nettoyer et le détartrage ne s'est pas fait attendre ! J'ai eu besoin dans un premier temps de fouler mes espaces et de continuer l'infinie prospection. Pour ça rien de mieux qu'un équipement léger donc …. de la pêche à la mouche !

J'ai commencé par un spot que je connais bien mais bizarrement pour la saison le niveau était très haut. C'est donc dans les grands renfoncements de faible profondeur que se concentraient les carpes. Et devinez quoi ? Elles étaient à table... Toute la zone était la table si bien que dans cet épais nuage de sédiment il était impossible de localiser clairement les poissons. Seules les plus grosses caudales frôlaient la surface laissant imaginer le reste du corps de la bestiasse. 


Alors devant ce spectacle il faut faire preuve de tact. Je décide de miser sur du gros. Une imitation d'écrevisse d'environ 4 cm bien lestée pour bien ressentir le fond. C'est parti pour tâtonner. Bien oui, il faut caler la mouche devant la carpe et en mode aveugle c'est tendax... Avec certes pas mal de réussite une sensation subtile voire même subliminale m'ordonne de ferrer et c'est non sans joie que démarre en trombe un obus des eaux troubles !!!! Pfffiouuu toujours aussi fracassant ce fish ! 

Une fois piquée la bombe fuse de droite et de gauche, la lutte est violente, il me faut rentrer dans l'eau car le poisson est plus gros que prévu. Ah oui !!! Une fois dans la filoche je m'en rend compte , c'est un super cadeau pour fêter mon retour.


J'ai pas perdu la main, c'est déjà ça. Ce poisson m'aura ému et m'aura suffit. Je n'attaquerai même pas les autres, bien plus petits. La carpe à la mouche reste assez mystérieuse. Je dois passer une VAE pour l'obtention du diplôme de moniteur guide de pêche et cette technique en sera ma spécialité même si je pratique d'autres pêches. J'espère vraiment pouvoir vous amener à la rencontre de ce superbe poisson. Inch' allah!




En tout cas , même si je pêche la carpe à la mouche depuis maintenant 10 ans , la remise en question est vitale. C'est le cas pour tout les poissons certes mais la carpe est si mystérieuse, si différente d'un spot à l'autre que le casse tête est illimité et franchement cette quête de réponses est prenante. 
Il faut sortir des sentiers battus, oublier les acquis et simplement marcher au bord de l'eau. Cet été j 'y ai consacré quelques journées. Recherche de nouveaux lieux, affinage des mouches et des approches.. Un gros délire en mode Rambo avec en prime quelques nuits seul, au bord de mes cours d'eau fétiches.


Je dois aussi vous parler d'un poisson qui aura en quelque sorte sauvé ma journée … Oui je sais gna gna gna normalement on doit dire que seul le fait d'être au bord de l'eau comble le pêcheur de joie. Mais dans la réalité un p'tit fish ne fait pas de mal.

Chez moi, certains cours d'eau changent énormément suite aux crues torrentielles et c'est à chaque fois une redécouverte. Les bancs de sables/graviers/galets se déplacent et c'est une toute nouvelle rivière que l'on aborde. Durant cette journée j'ai attaqué un paquet de poissons... Eau claire, poissons qui se nourrissent comme des fous, abondance de la bouffe mais en fait un brave choux blanc avec des refus à gogo. Le genre de sessions où tu vois des poissons de partout, tu te dis que ça va être la fiesta et finalement nada...

Un peu habitué à ce cirque je fais demi tour. Puis sur l'autre berge une caudale fait régulièrement surface . Ça graille sévère là-bas. Le groin dans le sable la belle s'en donne à cœur joie ! Bon, ça sent le challenge. Le fish se nourrit en bordure dans 40cm d'eau mais il est à 15m de moi et un fort courant nous sépare. On va sortir un peu de soie et tenter une approche malgré un large panel de difficultés. 

Quelques tentatives me permettrons de finalement faire le taf. Proposer la mouche là où il faut et surtout avec le temps nécessaire à la visualisation de la proie et l'aspiration de la carpe ; moins de 3 secondes millimétrées qui se termineront par une prise de contact et un ferrage dans les règles de l'art. Plutôt content de mon coup, j'ai ensuite cavalé derrière cette carpe qui a simplement décidé de dévaler, le courant aidant. Épuisette/sourire/photo/relâche. Voilà une scène de pêche bien originale et différente des approches habituelles..



Pour les sessions qui suivront c'est plutôt du côté des black-bass que je me suis tourné mais ça , ce sera pour plus tard !





dimanche 19 avril 2020

TORTURE 6 les bergers de l'aube


            

Assidûment, le berger guette, il surveille son troupeau. Soudain, les loups montent des profondeurs explosant la surface et l’étincelant d'écailles aux milles reflets. Comme si rien ne c'était passé, le calme majestueux de la montagne efface les dernières preuves.  

        Cette saison, la truite a comme un goût d'amande amère... Pas de session pour moi, voyage oblige et pour vous ? Peut-être 3 jours pour les plus chanceux.
Un mal pour un bien penseront les plus optimistes. En même temps c'est pas faux, rien de mieux que notre absence pour laisser respirer la nature. Quand je parle de notre absence c'est bien une absence totale sans professionnel, sans impact lié à nos activités. Mais ne nous mentons pas, sans les sentinelles que nous sommes il y aura des dégâts et des abus. Espérons tout de même que dans l'ensemble toute cette affaire puisse profiter à la nature. Une croissance optimale des truitelles, une belle fraie du bass et du sandre puis plus simplement un peu de calme au bord de l'eau.

Le grand voyage que nous menons (plus de 11000 kilomètres ) depuis le 15 juillet nous aura fait découvrir énormément d'endroits dont beaucoup sont sauvages. Enfin quoi qu'on en dise l'homme est partout et son impact se ressent où que l'on soit. En France et c'est mon avis, on a un super potentiel, on a de l'eau (pas énormément), on a du poisson mais tout cela stagne dans un sale état ; comme à moitié abandonné.
Une sensation de ne pas faire les choses jusqu'au bout.
« On pourrait mais on fait pas ». C'est con hein ?
Du coup tout le monde est responsable et comme ça tout le monde se tire dans les pattes. Politiques, agriculteurs, pêcheurs pro, pollueurs, gestionnaires, ddtm, fédés, aappma et particuliers. Une belle soupe à la merde où l'on est tous le con de l'autre.
-Prendre de vraies résolutions en matière de gestion.
-Fixer de vraies amendes qui font très mal au cul et qui financeraient une vraie garderie! (Car malheureusement il n'y a que ça qui fonctionne chez nous...)
-Appliquer la loi du pollueur payeur à la hauteur des dégâts !
-Revoir les quotas des prises et instaurer des mailles inversées...

Bref, des idées comme celles-ci fleurissent partout depuis des années et commencent à être mises en place. Mais tout ça n'est que ventass tant que l'on ne s'investit pas en chair et en os dans une aappma.
Les critiques, les guéguerres via internet et les réseaux ne servent à rien et franchement c'est une perte de temps, d'énergie et d'argent. Sérieux on paye du monde pour répondre aux insultes et autres messages débiles. Ouais, ça craint !

Allé on va rester optimistes et se dire qu' on y parviendra ; je l'espère mais en attendant je vais vous conter notre dernière virée du côté montagnard de la truitasse qui me tracasse la testasse !

C'était l'an dernier et comme chaque année nous y sommes allé. Quel plaisir de retrouver cette route et les derniers virages qui annoncent le lac. A travers les branches des résineux les yeux sont rivés sur l'eau.
Où en est le niveau ?
Est-ce que l'eau sera teintée cette année ?

Autant de questions que de bouillonnement dans nos veines ! La pression monte, les yeux brillent, l’excitation nous transperce tellement ce coin nous est cher.

Sur place aucun doute tout semble parfait. Le soleil est au rendez-vous, le lac est plein et l'eau a une couleur incroyable.
Les murs épais en pierre du gîte sont encore bien frais. Une odeur de cendres embaume nos appartements et une légère poussière flotte au milieu des rayons de lumière qui éclairent la pièce.
Juste le temps de décharger la voiture que certains sont déjà doigts tout tremblants à passer le fluoro dans les anneaux.
Les boîtes de leurres jonchent la pelouse laissant s'échapper quelques nouveautés. Une paire de bottes pose fièrement sur le pack de bières et tout ce cinéma gène l'entrée. Ça y est c'est déjà le bordel ; celui qu'on adore.
Du bord comme en float-tube la traque de ces monstres de truites est un défi mental. Il va falloir lancer et lancer encore. Être attentif à la moindre vaguelette en surface et faire preuve d'humilité devant les reines des eaux froides qui nous encerclent. Matos finement préparé, lecture du lac aux petits oignons, points GPS, tout est réfléchis depuis des semaines.
Bien entendu le cadre nous fait oublier les heures sans touche et les retrouvailles autour d'un verre renforcent notre pugnacité. Dans ce genre d'épreuve la frustration est en constant bras de fer avec le souvenirs des poissons exceptionnels des années passées. Puis franchement pêcher pour peut-être une touche dans la journée ne me fait plus peur.
Toute cette semaine nous nous serons levés pour le coup du matin. 

Entrevoir les premiers rayons du soleil. Être là quand la surface est d'huile, la brume s'échappant tel une couverture sur l'eau. Et puis le fracas d'une chasse à un mètre du bord, le cœur s'accélère, les yeux se décollent et de nos fesses laissent s'échapper un petit air chaud et piquant rappelant les grillades de la veilles.
Quel plaisir mes amis !
Alors il faut courir, oui mais pas trop vite car le serpent de cuir est peut-être là ! Lancer avec précision un jerk dans la strike zone, mettre quelques « twitch » et là, sur une pause Booooooommmm !!! La touche !!! Elle est violente et te réveille ! La tresse s'arrache de la bobine, la truite lacustre est là pour se nourrir et sa force est hallucinante ! Les coups de tête sont francs et vous feront tomber un un plombage si votre dentiste est mauvais !
Pour moi, inutile de vous dire qu'elle finira par se décrocher me laissant seul avec un épais mal de ventre. Torture, torture.




Je vais quand-même vous raconter mon jour de gloire. C'est étrange, souvent les dieux de la pêche finissent par se pencher sur mon sort ...

Du coup, journée comme les autres sur la fin du séjour. Nous sommes en mode grosse équipe avec Adrien Flo et même Jb ! Les float-tube fusent d'un spot à l'autre, les jambes sont rodées et répondent tel un 30 cv ! Cette traque nous en fait faire des bornes et à la palme c'est éprouvant.
Comme d'hab la pêche est très difficile lorsqu’enfin on se rapproche d'un spot que j'aime particulièrement ! Mojo !! Mojo !! Il est bien plus moche que le reste du lac mais de bons souvenirs me poussent à m'appliquer. 
Confiant, voir même blindé d’arrogance j'annonce « Poisson » ! Je viens de me faire bachoucher par une mémère de chez mémère ! Il y a 2m d'eau max et la furie m'en fait voir de toutes les couleurs ! J'hurle, je rie, je stresse aussi ! ZZZZzzzzzz fait le frein et les potes l'ont bien compris c'est du lourd ! La mama arrive et zlooop dans l'épuisette ! Excellent, la roue de la torture a tournée et me voilà récompensé ! Une magnifique lacustre hyper grasse d'environ 60/65cm !



Je la relâche et m’avachis sur le fauteuil des mers. Ahhh quel bonheur. 

Je peux enfin lever les yeux et contempler l'environnement privilégié dans lequel nous sommes.
Le groupe s'éparpille sur les différentes berges, pointes et structures. Ça gratte méticuleusement toutes la couche d'eau mais rien. Je décide d'entrer dans une minuscule crique où un petit filet d'eau arrive. Ces zones sont souvent propices à la vie. Développement d'amphibiens, apport d'eau fraîche et de sédiments. Un détour certain pour les carnassiers. Le passage de mon poisson nageur effraie pas mal de petits poissons. Il y a donc de la bouffe.
Assez confiant je ponce, aujourd'hui c'est le jour du poulpe ! J'ai le mojo ! Mais rien ! 
Pffff alors que faire ? Renoncer et retourner pêcher les pointes extérieures ou rentrer jusqu'au bout ? En float-tube la question se pose souvent. On évolue si lentement et tout ça nous prend tellement d'énergie. Finalement j'vais jusqu'au bout ! Tant qu'à y être faisons les choses à donf.
Il y a de moins en moins de fond et l'eau est légèrement teintée.

J'ai entre les mains mon combo Okuma Epixor, une canne 10/30gr de 2m49 qui me permet de lancer loin et de part son action assez souple atténue les coups de tête limitant ainsi les décrochés. Rappelons-le pour moi c'est toujours sans ardillon et une action trop raide n'est finalement pas idéale. En float tube les longues cannes sont gênantes mais finalement on s'y habitue. Pour les 3 autres que j'ai sur le support c'est des casting :
  • Okuma one rod 7/21gr
  • Okuma one rod 10/30gr
  • Savage gear xlnt3 12/45gr
Des cannes très complémentaires !

Revenons à notre partie de pêche ! J'suis donc au fond de la crique et j’effectue mon dernier lancé. Le leurre tombe au raz de l'arrivée d'eau, il doit y avoir 10cm de fond. Quelques tours de manivelle, un twitch, une pause et dans un fracas je prends une boitasse de maboul. Je sursaute tellement je n'y croyais pas. Cramponné à ma canne je maintiens comme je le peux une pression continue sur le poisson. Tout va très vite, trop vite quand le bolide décide de revenir vers moi à vitesse grand V ! Elle me passe sur la gauche, en même temps que se retourne mon embarcation je lève la canne pour éviter les obstacles nombreux ici. Le frein grince et à la vue de cette ombre qui est passée je suis complètement chamboulé. Cette truite est inarrêtable et ma tête doit être sacrément tendu !
Le problème quand on recherche un poisson comme celui-là c'est quand on fini par l'avoir au bout de la ligne. On se sent emparé d'une pression de dingue. Je sens mon cou se serrer, il me faut respirer et éviter de faire de la merde.
J'appelle Adrien à la rescousse mais il est à une centaine de mètres. J'en peux plus. Ce combat c'est de la souffrance tellement je la souhaite dans l'épuisette.
Coups de tête , rushs qui n'en finissent pas, puis, petit à petit l'animal arrive et se livre sur le flanc. La robe est sublime, points rouges au milieu d'une mer de point noirs et cerise sur le gâteau c'est un bécard avec une tête effrayante.
Je fais doucement, il approche, se retourne et repars pour une dernière tentative mais je le contre, lève la canne au ciel et avance l'épuisette au maximum. Je ne respire plus. Une seule pointe de métal me lie au poisson. Une seule pointe à l'extrémité de la lèvre. Autant dire que ça tient par miracle jusqu'à ce que tout s’effondre !

Alors que j'étais sur le point de voir mon précieux rentrer dans la filoche la pression lâcha d'un coup. Je regarde le leurre s'envoler signifiant ainsi la perte de ce trophée !
Mes yeux s'abaissent et le poisson glisse d'un coup de nageoire caudale.
Je descends en enfer, la scène défile dans ma tête jusqu'à cette lourdeur dans l'épuisette !!!! Je n'en reviens pas, elle est allée dedans ! Directement dans cette putain d'épuisette !!!! Dans l'épuisette !!!! Imaginez la scène, les sensations qui me traversent sont disproportionnées. C'est juste un poisson vous me direz mais tout ce qu'on y met... et cette récompense ... cette chance, rend ce moment magique.
Adrien est là. Je ne sais pas ce qu'il a vu du spectacle mais ça y est.
Tout mon corps tremble. Mon dos tout entier est comme transit, mes mains dansent et j'ose à peine croiser le regard de la truite.
Plongeant mes mains dans l'eau je saisis la base de la queue du poisson, laisse glisser ma main droite sous les nageoires pectorales et remonte le bestiau à la lumière ; le temps d’immortaliser ces couleurs et cette puissance.

Vite remis dans son élément, le poisson repart me laissant figé.
Petit à petit mes sens reviennent, le chant des oiseaux est à nouveau audible mais je ne bouge toujours pas. A la fois enivré et paralysé par ce qui vient de se produire je savoure simplement l'instant. Adrien est là pour partager l'affaire.
Passé le temps nécessaire à récupérer je peux enfin re-palmer. Pour moi inutile de continuer la pêche. Je n'en éprouve pas le besoin. La journée s'achèvera comme cela ; la cervelle emmitouflée dans du coton !

Ces histoires sont si rares ; les moteurs subliminaux de notre passion si frustrante. Bien-sur j'adore être simplement au bord de l'eau avec à la clef des poissons bien plus modestes voir même rien du tout.
Bien-sur la pêche ne se résume pas à la capture de poissons records mais les souvenirs que ces derniers nous gravent dans la peau nous rendent encore plus accrocs. Partager ça avec notre famille et nos amis c'est la cerise sur le gâteau, un gâteau merveilleux. Merci














Un visage heureux...