Assidûment, le berger guette, il surveille son troupeau. Soudain, les loups montent des profondeurs explosant la surface et l’étincelant d'écailles aux milles reflets. Comme si rien ne c'était passé, le calme majestueux de la montagne efface les dernières preuves.
Cette
saison, la truite a comme un goût d'amande amère... Pas de session
pour moi, voyage oblige et pour vous ? Peut-être 3 jours pour
les plus chanceux.
Un
mal pour un bien penseront les plus optimistes. En même temps c'est
pas faux, rien de mieux que notre absence pour laisser respirer la
nature. Quand je parle de notre absence c'est bien une absence totale
sans professionnel, sans impact lié à nos activités. Mais ne nous
mentons pas, sans les sentinelles que nous sommes il y aura des
dégâts et des abus. Espérons tout de même que dans l'ensemble
toute cette affaire puisse profiter à la nature. Une croissance
optimale des truitelles, une belle fraie du bass et du sandre puis
plus simplement un peu de calme au bord de l'eau.
Le
grand voyage que nous menons (plus de 11000 kilomètres ) depuis le
15 juillet nous aura fait découvrir énormément d'endroits dont
beaucoup sont sauvages. Enfin quoi qu'on en dise l'homme est partout
et son impact se ressent où que l'on soit. En France et c'est mon
avis, on a un super potentiel, on a de l'eau (pas énormément), on a
du poisson mais tout cela stagne dans un sale état ; comme à
moitié abandonné.
Une
sensation de ne pas faire les choses jusqu'au bout.
« On
pourrait mais on fait pas ». C'est con hein ?
Du
coup tout le monde est responsable et comme ça tout le monde se tire
dans les pattes. Politiques, agriculteurs, pêcheurs pro, pollueurs,
gestionnaires, ddtm, fédés, aappma et particuliers. Une belle soupe
à la merde où l'on est tous le con de l'autre.
-Prendre
de vraies résolutions en matière de gestion.
-Fixer
de vraies amendes qui font très mal au cul et qui financeraient
une vraie garderie! (Car malheureusement il n'y a que ça qui
fonctionne chez nous...)
-Appliquer
la loi du pollueur payeur à la hauteur des dégâts !
-Revoir
les quotas des prises et instaurer des mailles inversées...
Bref,
des idées comme celles-ci fleurissent partout depuis des années et
commencent à être mises en place. Mais tout ça n'est que ventass
tant que l'on ne s'investit pas en chair et en os dans une aappma.
Les
critiques, les guéguerres via internet et les réseaux ne servent à
rien et franchement c'est une perte de temps, d'énergie et d'argent.
Sérieux on paye du monde pour répondre aux insultes et autres
messages débiles. Ouais, ça craint !
Allé
on va rester optimistes et se dire qu' on y parviendra ; je
l'espère mais en attendant je vais vous conter notre dernière virée
du côté montagnard de la truitasse qui me tracasse la testasse !
C'était
l'an dernier et comme chaque année nous y sommes allé. Quel plaisir
de retrouver cette route et les derniers virages qui annoncent le
lac. A travers les branches des résineux les yeux sont rivés sur
l'eau.
Où
en est le niveau ?
Est-ce
que l'eau sera teintée cette année ?
Autant
de questions que de bouillonnement dans nos veines ! La pression
monte, les yeux brillent, l’excitation nous transperce tellement ce
coin nous est cher.
Sur
place aucun doute tout semble parfait. Le soleil est au rendez-vous,
le lac est plein et l'eau a une couleur incroyable.
Les
murs épais en pierre du gîte sont encore bien frais. Une odeur de
cendres embaume nos appartements et une légère poussière flotte au
milieu des rayons de lumière qui éclairent la pièce.
Juste
le temps de décharger la voiture que certains sont déjà doigts
tout tremblants à passer le fluoro dans les anneaux.
Les
boîtes de leurres jonchent la pelouse laissant s'échapper quelques
nouveautés. Une paire de bottes pose fièrement sur le pack de
bières et tout ce cinéma gène l'entrée. Ça y est c'est déjà
le bordel ; celui qu'on adore.
Du
bord comme en float-tube la traque de ces monstres de truites est un
défi mental. Il va falloir lancer et lancer encore. Être attentif à
la moindre vaguelette en surface et faire preuve d'humilité devant
les reines des eaux froides qui nous encerclent. Matos finement
préparé, lecture du lac aux petits oignons, points GPS, tout est
réfléchis depuis des semaines.
Bien
entendu le cadre nous fait oublier les heures sans touche et les
retrouvailles autour d'un verre renforcent notre pugnacité. Dans ce
genre d'épreuve la frustration est en constant bras de fer avec le
souvenirs des poissons exceptionnels des années passées. Puis
franchement pêcher pour peut-être une touche dans la journée ne me
fait plus peur.
Toute
cette semaine nous nous serons levés pour le coup du matin.
Entrevoir les premiers rayons du soleil. Être là quand la surface
est d'huile, la brume s'échappant tel une couverture sur l'eau. Et
puis le fracas d'une chasse à un mètre du bord, le cœur
s'accélère, les yeux se décollent et de nos fesses laissent
s'échapper un petit air chaud et piquant rappelant les grillades de
la veilles.
Quel plaisir mes amis !
Alors
il faut courir, oui mais pas trop vite car le serpent de cuir est
peut-être là ! Lancer avec précision un jerk dans la strike
zone, mettre quelques « twitch » et là, sur une pause
Booooooommmm !!! La touche !!! Elle est violente et te
réveille ! La tresse s'arrache de la bobine, la truite lacustre
est là pour se nourrir et sa force est hallucinante ! Les coups
de tête sont francs et vous feront tomber un un plombage si votre
dentiste est mauvais !
Pour moi, inutile de vous dire qu'elle
finira par se décrocher me laissant seul avec un épais mal de
ventre. Torture, torture.
Je
vais quand-même vous raconter mon jour de gloire. C'est étrange,
souvent les dieux de la pêche finissent par se pencher sur mon sort
...
Du
coup, journée comme les autres sur la fin du séjour. Nous sommes en
mode grosse équipe avec Adrien Flo et même Jb ! Les float-tube
fusent d'un spot à l'autre, les jambes sont rodées et répondent
tel un 30 cv ! Cette traque nous en fait faire des bornes et à
la palme c'est éprouvant.
Comme
d'hab la pêche est très difficile lorsqu’enfin on se rapproche
d'un spot que j'aime particulièrement ! Mojo !! Mojo !!
Il est bien plus moche que le reste du lac mais de bons souvenirs me
poussent à m'appliquer.
Confiant, voir même blindé d’arrogance
j'annonce « Poisson » ! Je viens de me faire
bachoucher par une mémère de chez mémère ! Il y a 2m d'eau
max et la furie m'en fait voir de toutes les couleurs ! J'hurle,
je rie, je stresse aussi ! ZZZZzzzzzz fait le frein et les potes
l'ont bien compris c'est du lourd ! La mama arrive et zlooop
dans l'épuisette ! Excellent, la roue de la torture a tournée
et me voilà récompensé ! Une magnifique lacustre hyper grasse
d'environ 60/65cm !
Je
la relâche et m’avachis sur le fauteuil des mers. Ahhh quel
bonheur.
Je peux enfin lever les yeux et contempler l'environnement
privilégié dans lequel nous sommes.
Le
groupe s'éparpille sur les différentes berges, pointes et
structures. Ça gratte méticuleusement toutes la couche d'eau mais
rien. Je décide d'entrer dans une minuscule crique où un petit
filet d'eau arrive. Ces zones sont souvent propices à la vie.
Développement d'amphibiens, apport d'eau fraîche et de sédiments.
Un détour certain pour les carnassiers. Le passage de mon poisson
nageur effraie pas mal de petits poissons. Il y a donc de la bouffe.
Assez
confiant je ponce, aujourd'hui c'est le jour du poulpe ! J'ai le
mojo ! Mais rien !
Pffff alors que faire ? Renoncer et
retourner pêcher les pointes extérieures ou rentrer jusqu'au bout ?
En float-tube la question se pose souvent. On évolue si lentement et
tout ça nous prend tellement d'énergie. Finalement j'vais jusqu'au
bout ! Tant qu'à y être faisons les choses à donf.
Il
y a de moins en moins de fond et l'eau est légèrement teintée.
J'ai
entre les mains mon combo Okuma Epixor, une canne 10/30gr de 2m49 qui
me permet de lancer loin et de part son action assez souple atténue
les coups de tête limitant ainsi les décrochés. Rappelons-le pour
moi c'est toujours sans ardillon et une action trop raide n'est
finalement pas idéale. En float tube les longues cannes sont
gênantes mais finalement on s'y habitue. Pour les 3 autres que j'ai
sur le support c'est des casting :
Des
cannes très complémentaires !
Revenons
à notre partie de pêche ! J'suis donc au fond de la crique et
j’effectue mon dernier lancé. Le leurre tombe au raz de l'arrivée
d'eau, il doit y avoir 10cm de fond. Quelques tours de manivelle, un
twitch, une pause et dans un fracas je prends une boitasse de maboul.
Je sursaute tellement je n'y croyais pas. Cramponné à ma canne je
maintiens comme je le peux une pression continue sur le poisson. Tout
va très vite, trop vite quand le bolide décide de revenir vers moi
à vitesse grand V ! Elle me passe sur la gauche, en même temps
que se retourne mon embarcation je lève la canne pour éviter les
obstacles nombreux ici. Le frein grince et à la vue de cette ombre
qui est passée je suis complètement chamboulé. Cette truite est
inarrêtable et ma tête doit être sacrément tendu !
Le
problème quand on recherche un poisson comme celui-là c'est quand
on fini par l'avoir au bout de la ligne. On se sent emparé d'une
pression de dingue. Je sens mon cou se serrer, il me faut respirer et
éviter de faire de la merde.
J'appelle
Adrien à la rescousse mais il est à une centaine de mètres. J'en
peux plus. Ce combat c'est de la souffrance tellement je la souhaite
dans l'épuisette.
Coups
de tête , rushs qui n'en finissent pas, puis, petit à petit
l'animal arrive et se livre sur le flanc. La robe est sublime, points
rouges au milieu d'une mer de point noirs et cerise sur le gâteau
c'est un bécard avec une tête effrayante.
Je
fais doucement, il approche, se retourne et repars pour une dernière
tentative mais je le contre, lève la canne au ciel et avance
l'épuisette au maximum. Je ne respire plus. Une seule pointe de
métal me lie au poisson. Une seule pointe à l'extrémité de la
lèvre. Autant dire que ça tient par miracle jusqu'à ce que tout
s’effondre !
Alors
que j'étais sur le point de voir mon précieux rentrer dans la
filoche la pression lâcha d'un coup. Je regarde le leurre s'envoler
signifiant ainsi la perte de ce trophée !
Mes
yeux s'abaissent et le poisson glisse d'un coup de nageoire caudale.
Je
descends en enfer, la scène défile dans ma tête jusqu'à cette
lourdeur dans l'épuisette !!!! Je n'en reviens pas, elle est
allée dedans ! Directement dans cette putain d'épuisette !!!!
Dans l'épuisette !!!! Imaginez la scène, les sensations qui me
traversent sont disproportionnées. C'est juste un poisson vous me
direz mais tout ce qu'on y met... et cette récompense ... cette
chance, rend ce moment magique.
Adrien
est là. Je ne sais pas ce qu'il a vu du spectacle mais ça y est.
Tout
mon corps tremble. Mon dos tout entier est comme transit, mes mains
dansent et j'ose à peine croiser le regard de la truite.
Plongeant
mes mains dans l'eau je saisis la base de la queue du poisson, laisse
glisser ma main droite sous les nageoires pectorales et remonte le
bestiau à la lumière ; le temps d’immortaliser ces couleurs
et cette puissance.
Vite
remis dans son élément, le poisson repart me laissant figé.
Petit
à petit mes sens reviennent, le chant des oiseaux est à nouveau
audible mais je ne bouge toujours pas. A la fois enivré et paralysé
par ce qui vient de se produire je savoure simplement l'instant.
Adrien est là pour partager l'affaire.
Passé
le temps nécessaire à récupérer je peux enfin re-palmer. Pour moi
inutile de continuer la pêche. Je n'en éprouve pas le besoin. La
journée s'achèvera comme cela ; la cervelle emmitouflée dans
du coton !
Ces
histoires sont si rares ; les moteurs subliminaux de notre
passion si frustrante. Bien-sur j'adore être simplement au bord de
l'eau avec à la clef des poissons bien plus modestes voir même rien
du tout.
Bien-sur
la pêche ne se résume pas à la capture de poissons records mais
les souvenirs que ces derniers nous gravent dans la peau nous rendent
encore plus accrocs. Partager ça avec notre famille et nos amis
c'est la cerise sur le gâteau, un gâteau merveilleux. Merci
Un visage heureux...