mercredi 9 décembre 2015

PLOUFF!




     Il était une fois, un week-end prolongé du moi de juin au fin fond des montagnes du centre de la France.
Ces quelques jours étaient la parfaite opportunité pour quatre lurons que la pêche avait liée d’amitié de se retrouver. 
Comme à chaque fois pour nos pêcheurs nés, ces rendez-vous riment avec convivialité, décompression, rire, festival culinaire, technique de pêche assidue, matériel de compétition et amour de la nature.

Deux bateaux au top de l’équipement sont remplis de boites qui vomissent de leurres. Des cannes de toutes sortes jonchent la moquette encore humide de la rosée d’une nuit encore bien fraîche.
Il est tôt mais c’est l’heure.
L’envie de faire les premiers lancés éjectent nos pêcheurs de leur sommeil profond.
Chaque embarcation part à son rythme rejoindre la berge repérée la veille afin de prospecter mètre après mètre, arbre après arbre, lancé après lancé.
Ce sont les carnassiers qui sont avec tant d’application recherchés:
Perches, sandres mais surtout le roi de ces eaux qui pour nos péchailloux est le brochet.


Malheureusement ou plutôt comme à leur triste habitude la pêche est difficile. Une petite perche par là, un petit brochet par ici.
C’est ainsi que les heures défilent quand on est sur l’eau. Les histoires fusent, des rires éclatent renvoyant leur écho dans toute la vallée puis, petit à petit la luminosité baisse. Il est temps d’aller se réchauffer à l’intérieur.



Nos quatre fourmis entament alors le rituel de la soirée. Certains s’attaquent à la cuisine quand d’autres préparent l’indétrônable apéro. Les commentaires sur la journée embrasent les discours.
La théorie de certains s’illustre même de traces de dents sur les leurres souples. Le ton monte d’un cran à chaque bouteille qui se vide, c’est évident ; demain ce sera mieux !
C’est avec ce sentiment  de victoire et d’intelligence retrouvée que nos quatre héros s’endormiront….

Le lendemain sera totalement différent. Je pars de mon côté sur le bateau d’Adrien.


Fier de notre équipe de gangsters nous nous rendons sur un spot retenu la veille pour son abondance en poisson blanc. Je garde aussi en tête la rage du gros qui m’a cassé la ligne la veille.
De leur côté Arnaud et Bruno prospecteront une baie avant de nous rejoindre vers le fond du lac.

Malgré la pente assez abrupte du plan d’eau je pêche avec un glide fait maison par mon ami Stéphane. Sur une zone un poil moins profonde je reçois la sanction tant attendue ! Un joli brochet est venu bombarder de ses 700 dents le leurre ! Je suis ravi ! Photo et relâche rapide ...
Je souffle, ça va beaucoup mieux.



Au loin un bateau arrive ; ce doit être les deux zigotos.
Cette embarcation est tout de même bizarre, on dirait que le poids est sur l’arrière, on croirait même qu’il est vide et qu’il fonce sur nous. On se retrouve à fixer cette embarcation fantôme bouche bée quand tout à coup une petite tête ébouriffée fit son apparition… Bah c’est qui ça?? C'est pas eux ?!
Un papé s’approche et commence à nous questionner :
-« C’est vos collègues qui ont l’autre barque de l’autre côté du lac ? »
Méfiant, on se regarde avec Adrien et on y répond :
-« Non non pourquoi ? » 
-« 2 Pêcheurs se sont retournés avec leur barque »
-« Bordel, qu’est-ce qu’ils ont foutu ???!!!!!! »
Le temps que le papé comprenne qu’on les connaissait, le thermique nous poussait déjà au cul en direction des copains.
On ne se parle même pas. Dans ma tête les hypothèses fusent, je ne comprends pas.
Mais comment ont-ils pu en arriver là ??
Une fois sur place les deux compères sont détrempés, droits comme des i, tremblants, les pieds nus perdu sur un éboulis rocheux en bordure du lac.
La barque quant à elle est : retournée.
-"Mais c’est quoi ce délire ?!!"
Pas le temps de les questionner; Bruno tient fermement la corde qui permet au bateau de ne pas couler. Il faut au plus vite tenter de remettre la barque dans le bon sens. L’eau est froide, la pente est raide et les pierres sont tranchantes. C’est un cauchemar mais il faut y aller.


Après quelques minutes de galère et de torture la barque est enfin remise d’aplomb. Il nous faut maintenant écoper les centaines de litres retenus à l’intérieur. Impeccable, ça va nous réchauffer car là, c’est un concert de claquements de dents !
Bon, quelques minutes après ça va un poil mieux, Arnaud et Bruno sont réchauffés et changés mais l’étendue des dégâts fait peur à la peur. Le moteur thermique a bu la tasse, le moteur électrique est défoncé par les roches et le matériel a tout simplement disparu. Le matos c’était 3 ou 4 cannes/moulinets par pêcheur et des grosses boîtes pleines de leurres. Quelques milliers d’euros qui baignent dans 8 mètres d’eau sombre et glaciale.
Ah attendez, sisi Arnaud en retrouve une à ses pieds ; dommage, la canne est cassée en deux…
Il nous faut à tout prix faire preuve de lucidité et marquer la zone car le jour tombe. Un gros bout de tuyau posé sur la berge nous servira de repère.
Nous y reviendrons demain à la première heure pour gratter le fond.

Alors que nous pensions être au plus bas, Bruno capte que les clefs de sa voiture sont dans une poche d’un sac qui a sombré… On ne peut donc ni remettre la barque sur la remorque, ni récupérer la voiture.
Aie aie aie, le cauchemar continue.
Dans notre malheur enfin leur malheur (car moi j’ai rien perdu et j’ai fait mon joli brochet ;-) (oui bon ça va un peu d'humour quoi! Tout l'monde tire la tronche!!) on a la chance d’être logé juste au bord du lac. La barque dormira donc au pied du chalet.
Une fois au chaud on se pose autours de la table.
Avec Adrien nous moussons d’impatience, on veut savoir ce qu’il c’est passé !


C’est étrange, Arnaud a un sourire en coin…
Un coup de rhum va les décoincer et leur détendre la ventrèche.
-"Bordel les gars, vous êtes vivants c’est l’essentiel !  Maintenant on veut savoir !"
Tout est parti d’une connerie. Vous savez le jeu de la fausse touche, et bien c’est parti de là.
Alors qu’Arnaud (alias Cossec) pêchait avec concentration au crank, le fougueux Bruno (alias Papi) glissa  derrière lui telle l’anguille des marais, prit le temps de se faire oublier et lui donna un léger coup sec sur le talon de la canne. S’en suivit un énorme ferrage accompagné d’un petit cri hargneux !
-« Grrrr poisson !! » hurla le Cossec !
Fier de sa blague papi retient son rire ; il jubile mais c’est au-delà de son attente car dans la panique le Cossec, persuadé d’être pendu à un monstre voit son moulinet exploser, oui exploser!!!
C’est un véritable feu d’artifice ! Des ressorts lui volent au visage, des écrous sortent de nulle part, des vis tombent au sol ! Seule la manivelle lui reste entre les doigts.
S’en est trop pour Bruno qui est plié en quatre, il rit aux larmes, ce moulinet déglingué, cette fausse touche ; c’est du délire !!!
Arnaud, lui est encore dans la bagarre. Il tire un visage déconfit et tente désormais de reprendre le contact avec ce poisson imaginaire en tenant la tresse à bout de doigt. Cherchant de l'aide  il se retourne vers Bruno mais ce dernier a disparu, il n’est plus dans la barque.
Suite à cette avalanche de gags Bruno n’a pas résisté; il est littéralement tombé à genoux et a fini par rejoindre les eaux du lac sur un superbe roulé-boulé digne du capitaine Cousteau.
Abasourdi par la scène, Arnaud, à son tour explose de rire. Sauf que papi ne bouge plus.
Il flotte, les bras en étoile de mer, face dans l’eau.

En une fraction de seconde Cossec prit de panique se jette au sol et réussit à l’attraper par l’épaule. Bruno, une fois à l’aplomb du bateau reprend conscience mais semble affolé.
On dirait un chat qu’on vient de jeter dans une piscine (ce qui est mal !). Il veut à tout prix remonter, plante ses griffes sur le rebord de la barque et se hisse tant bien que mal sauf que…
Les deux compères sont du même côté et dans l’euphorie le bateau se retourne.
Ils sont maintenant deux dans le lac.
Bruno qui a bien repri ses esprits se rend compte de ce qui est en train de se passer. Le matériel coule, la barque se remplit d’eau et ils sont à 30 mètres du bord. Arnaud quant à lui est en wadders. Quelle belle idée. Cette salopette se remplit et l’empêche de nager. Panique. Il risque vraiment sa vie et se focalise sur la berge. Manaudou peut se rhabiller face au crawl que déroulera le Cossec pour rejoindre le bord!
Papi lui, tente de sauver sa barque. Il la retient avec une corde mais ne tiendra pas indéfiniment. L’eau est froide et ses muscles se tétanisent.
Des pêcheurs, au loin ont compris qu’il y avait un problème. C’est le fameux pépé qui viendra par la suite nous chercher. Il est accompagné de son fils et s’empressent d’aider Bruno à ramener la barque vers le bord.

Mais quelle histoire de fou….  Avec Adrien nous n’en revenons pas, on ne sait pas s'il faut rire ou pleurer. Et dire qu'un peu plus l’un d’entre eux voir même les deux y passaient.
Et tout ça pour une blague.
Dans le chalet l’atmosphère est désormais bien détendue, nous pouvons même commencer à rire (doucement) de la situation qui est quand même sacrément cocasse ! Cette soirée tournera autours l’affaire et nous étudierons la manière dont nous pourrons repêcher le matériel perdu.

"Dans les yeux de Bruno"
Pour le dernier jour de « pêche » de notre weekend nous nous rendons sur le lieu du drame. 
La technique est simple ; gratter le fond avec une tête plombée armée d’un gros hameçon triple. Assez rapidement nous remonterons des cannes. Le sourire revient sur le visage d’Arnaud qui décide même de plonger. Ce sera sans résultat, l'eau est trop froide et bien trop teintée.


On continue donc notre pêche aux canards. Je gratte le fond méticuleusement quand quelque chose me semble intéressant. Je ferre, c’est lourd, très lourd ! Épuisette !!!!
Centimètres après centimètres je hisse un gros sac. Il est ouvert mais les boîtes sont encore dedans. Une des poches latérales est elle aussi ouverte. On aperçoit les clefs de la voiture de Bruno.
La pression est au maximum, je ne dois faire aucune erreur. Cossec, célèbre puiseur emprisonne le trophée d’un coup de reins millimétré ! Yesss !!! On a le plus important ! Les clefs, les papiers, les pinces, 4 boites de leurres…OUFF ..
La pêche continue, rebelote je ferre une grosse boite de leurres ! Yess, c'est Bruno qui va être content, on a vraiment de la chance car réussir à attraper ces boites n'était vraiment pas gagné.
Il est midi, nous décidons de stopper nos recherche. Au final pour Bruno seule une canne et une boîte de leurres manqueront à l’appel. Pour Arnaud ce sera une canne de cassée et une grosse boîte de perdu mais bon, nous avons limité la casse.
Le weekend touche à sa fin et c'est avec un drôle de sentiment que nous prendrons la route du retour.
Petit clin d’œil à Maxime qui tentera en vain de récupérer le matériel perdu.... On reviendra!!

La pêche délivre de superbes moments, des sensations inoubliables mais la pêche endosse parfois son côté obscur pouvant nous mener dans les tourments d’un enfer face auquel nous sommes et resterons impuissants. La nature et son caractère bien trempé n’a pas d’adversaire à sa hauteur.
Le respect, que ce soit dans l’admiration ou la méfiance restera à jamais la clef de notre coexistence.
















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