A l’heure où
j’écris ces quelques lignes il nous reste à peine 48 heures pour atteindre
notre objectif; 120cm.
Emportés par le tourbillon du temps, les 10 jours
sur place défilent beaucoup trop vite et notre cible nous résiste malgré nos
efforts. Nous sommes sur l’île de Rügen, au nord-est de l’Allemagne, quasiment
en face de la Suède en mer baltique.
Rémi Laugier, réalisateur de films de
pêche et de documentaires animaliers nous a rassemblé avec Marc et Adrien afin
de mettre sur pellicule la traque des brochets géants qui hantent ces eaux. Le
potentiel est immense, à l’image des espaces que nous pêchons et à la mouche,
croyez moi c’est assez déconcertant.
Un road trip éprouvant
8 heures de route pour rejoindre Rémi et Marc. Petite
halte avec un peu de pêche du bass pour se dégourdir les pattes !
On
charge le 4x4 et en avant pour récupérer les kayaks Savager’s qu’Hervé nous prêtera
pour le séjour. Des kayaks à pédale ; insubmersibles, marche avant/marche
arrière, hyper confortables, même pour pratiquer la pêche à la mouche c’est
juste le top du top ! On s’active, on attèle la remorque et évidement il y
a une burne dans le potage !
Les feux ne marchent pas… On démonte, on
remonte, on découpe et on trouve la panne, les fils étaient arrachés.
Hervé
nous répare ça et en route pour récupérer Adrien à Paris avec une grosse
remorque bourrée de 4 kayaks et le 4x4 qui déborde…
Il doit être 21h, Adrien
est bien là, on est soulagé car il n’a pas trop d’affaires ! C’est Paris,
c’est le bordel, ça pue, tout le monde klaxonne et avec la remorque c’est chaud
patate. Bref on dégage vite fait bien fait. C’est bien plus tard, après mon
créneau de conduite (2h/5h du mat) qu’on s’octroie une pause dodo jusqu’à 8h et
c’est repartit…
Voilà, on y est, après plus de 23heures de voiture ! J’en
ai ras la casquette mais l’excitation est palpable, l’adrénaline monte ! Une
seule chose en tête : PECHER !!!
On le sait ; là où on est tout
est possible ! la légende nous parle de poissons de 140cm, des vaches à lait mes
amis !! OUI-OUI !!! Rémi en bon papa a fait les choses bien. La
maison que nous aurons pendant 10 jours est nickel. Terrasse, cheminée et un
emplacement complètement isolé entre les immenses cultures intensives de
l’Allemagne et la lagune. Le jardin donne directement sur la roselière qui
borde de splendides spots ! #paradisdubrochet gnagnagna!
On fait des courses pour la semaine, on achète
les permis, on prépare les matos ; cannes, moulins, kayaks, waders, sélection des
streamers et on contemple ce beau matériel !
Tout va très vite et nous voilà sur l’eau !
Première étape :
apprivoiser le kayak, ça se passe assez bien et on prend vite nos marques… Bon,
Adrien a quand même réussi à se foutre à l’eau et heureusement il avait
pied !
Deuxième étape : Evaluer le positionnement des brochets. Grace
au sondeur j’ai pu limiter les zones à peigner. La dérive est rapide et à la
mouche on ne peut pas se permettre de pêcher trop creux. On a donc déterminé
des fonds allant d’1m30 à 2m60.
On va rechercher les taches foncées marquées
par les herbiers et pour freiner notre dérive on utilisera des sacs cabas de
super marché. C’est pas beau mais ça marche. Assez vite les premières touches
arrivent et on rentre les premiers pikes de la baltique dans l’épuisette !
Sur une pointe Adrien nous vend du rêve avec un 90cm et un 98 cm ! La
première session se termine avec un grand sourire aux lèvres et la
confiance est franchement de la partie !
Apéro avec des bières Allemandes
et des cornichons géants, repas articulé sur de la saucisse reconstituée, de la
pure gastronomie ! Bon appétit!!!
Le rythme est donné ! Le lendemain sera un peu
pareil mais on ne dépassera pas les 80cm, il fait super bon, on a atteint les
20 degrés ; du jamais vu là-bas à cette période !
Le sur lendemain on
pêche avec un guide ; en vain. Aucun poisson correct. Il faut se rendre à
l’évidence il y a quelque chose qui ne va pas. C’était sans compter sur le
caractère incontrôlable de mère nature.
Ces derniers jours auront vu dégringoler
notre enthousiasme. En effet, le moindre changement climatique a un impact
direct sur le comportement des poissons.
Que l’on change de spot, que l’on
pêche avec un guide et que l’on se creuse la tête comme des fous ne servent à
rien si les conditions ne sont pas bonnes.
Un contexte de fou. Là-bas, les brochets
vivent dans un espace infini.
Leur comportement va de pair avec le milieu, ils
sont pélagiques et font de grandes migrations.
L’été, les adultes sont en mer,
oui dans l’eau salée (le taux n’étant pas très important mais quand
même !). Ils suivent leur nourriture : des bancs de harengs, des
truites de mer, des saumons mais aussi des gardons et d’autres poissons blancs.
Les jeunes (poissons de – de 80cm) quant à eux restent dans les baies des
lagunes, au plus proche des roselières.
Lorsque
le froid revient, en automne, les poissons vont entamer un voyage vers les
lagunes, plus protégées des éléments avec une eau moins froide et une
alimentation en eau douce (embouchure de petits cours d’eau) qui maintient un
niveau de salinité plus bas. Automatiquement les brochets suivent en bancs
pouvant dépasser les 400 individus et étonnamment face à ces monstres qui
entrent, les petits brochets se font très discrets.
Vous l’aurez compris, même
un pike de 70cm devient une proie. Dans les lagunes la concentration de poissons
en tout genre devient impressionnante et pour le pêcheur, trouver les brochets
devient bien plus aisé. Mais face à toute cette abondance il sera difficile de
rivaliser.
Pour nous malheureusement
cette migration vers les lagunes vient à peine de commencer. Il fait encore
trop chaud et le gros des brochets adultes est encore en pleine mer. On est pourtant mi-octobre. La météo serait
donc trop clémente avec nous et ça, c’est définitivement mauvais pour la pêche
du pike.
L’île est habituellement brassée par le vent. Ici rien ne l’arrête et
il complique souvent les lancés. Le problème, et on l’a bien compris durant
notre séjour c’est que s’il ne souffle pas les poissons sont inactifs.
Ce
phénomène est peut-être plus accentué à cette époque mais ce fut flagrant. Dès
que le vent diminuait et que le soleil apparaissait l’activité s’arrêtait net.
Inutile de continuer à pêcher. Nous n’avions plus une seule touche.
C’est dans
ce genre de conditions que l’on apprend, que l’on peut réellement comparer/analyser
et acquérir de vraies connaissances.
Notre guide nous expliquait qu’il pouvait
peigner une zone à la mouche toute la journée sans enregistrer une seule touche
et que d’un seul coup à cause d’un paramètre qui change, l’activité se mettait
en route et qu’il enchainait jusqu’à 18 brochets en quelques dizaines de
minutes dont plusieurs poissons dépassant le mètre.
Il faut donc à la fois
analyser les conditions tout en oubliant notre cerveau… La patience prend tout
son sens. Ces derniers jours furent
éprouvants. Mentalement c’est très difficile d’admettre que l’on est dans un
des meilleurs endroits au monde pour les gros brochets sans réussir à les
déclencher. Puis ne l’oublions pas, nous sommes là pour faire un film !
La
pêche à la mouche est cérébrale mais aussi très physique. La double traction
est de rigueur et j’aurais personnellement beaucoup appris.
Notamment sur les
zones à petits (roselières) où l’on peut facilement faire une dizaine de
poissons entre 50 et 70 en quelques minutes : variations d’animations,
ferrage avec la soie et non la canne, gestion du combat et j’en passe. Alors
certes nous ne sommes vraiment pas là pour ces poissons mais c’est une école
que l’on ne rencontre pas chez nous.
Avant-hier nous avons dégoté un méga spot.
Une zone avec une ouverture directe sur la mer baltique. Un chenal emprunté par
les brochets lors de leur entrée dans la lagune.
Suite à cette entrée, se
dessine un vaste haut-fond de sable et d’herbiers de plusieurs kilomètres
carrés servant d’aire de repos à nos tigres d’eau douce. C’est évident ils
viennent s’y poser, s’y alimenter avant de continuer leur remontée au sein de
la lagune.
En quelques sortes en pêchant ce genre de zones on accélère le temps
en visant les poissons « frais » qui arrivent de la migration.
Le haut-fond est direct, on passe de 7m dans
le chenal à 1m50 et en dérivant grâce enfin au vent qui est revenu nous avons
touché pas mal de poissons jusqu’à ce qu’Adrien se mette à gueuler !
-« C’est gros !!! » Attelé à un semi-remorque le voilà tracté
par un géant de la baltique ! On n’y croyait plus ! Le moulin siffle et le combat se fait tout en
lourdeur ; les remous sont impressionnants, ça fait peur !
Heureusement il est bien piqué et ne se décrochera pas. Je suis à l’épuisette
et le monstre arrive ! Pour moi c’est sûr il fait largement ses 1m20
tellement il est gros/gras/long !
C’est avec une immense pression que je
réceptionne les bestiau, ça y’est !!Il est dedans !!!! On
hurle !!! On y est arrivé, à force
de chercher, de peigner, lancés après lancés, après avoir mis en place des
stratégies de prospections ! La pêche nous aura finalement sourit !!
114cm
de muscles et de dents acérées ! Une véritable tueuse de la baltique !
Adrien est aux anges mais malheureusement il nous quittera le lendemain pour
retourner travailler en France. Il sauve le film, et aura farci les plus beaux
poissons ! Il a un peu le cul bordé de nouilles non ??
Le lendemain,
après avoir fêté son départ et le gros fish, on retourne sur la zone et cette
fois-ci on se décide à descendre des kayaks et de les attacher comme des
chevaux pour pêcher la fameuse zone en wading.
On est au milieu de nulle part,
à deux kilomètres du bord et on a pied. La cassure est localisée et on peut
bien mieux gratter ! On a des kilomètres de linéaires mais nous avons
ciblé une courbe de 500m.
Marc touche un premier poisson, on en décrochera
aussi chacun un très gros (Rrrrrrr) quand ça y’est, à 2 mètres de moi je vois un
bestiau se retourner sur la mouche, sa queue sort littéralement de l’eau et
dans un sursaut de ferre ! Sans même sentir le poids du poisson !
Avec beaucoup de chance il est piqué et me livre un superbe combat ! Il
m’a vraiment surpris et je fais tout pour ne pas le perdre, la canne big fly de
chez Scierra en soie de 10 va super bien, le frein du traxion 3 est
irréprochable et tout en douceur je ramène le poisson jusqu’à
l’épuisette ! C’est gagné !!!!
Un superbe dindonneau gras de chez
gras qui annonce 91 cm. La taille n’est vraiment pas importante mais il
est vrai qu’ici, on cherche les gros et
vu leur largeur ils sont très difficiles à évaluer.
Bilan plutôt positif de la journée même si on
rate chacun un très gros poisson. Marc qui recherche spécifiquement les gros
brochets a eu son lot de frustration mais la pêche c’est la pêche et malgré une
forte douleur à la main il ne baissera pas les bras.
Il nous reste donc deux journées de pêche pour
faire un fish de fou. Maintenant on a localisé le spot et on s’y tiendra !
Sur le chemin du retour le 4x4 nous fait le coup de la panne. Problème de
batterie ; pas grave on pousse, on est à 200 m de la maison. Il nous
faudra juste nous lever plus tôt demain matin afin de changer cette
batterie !
La nuit sera courte, dur dur de dormir avec cette excitation de
retourner sur le spot à bigs ! Debout, p’tit dej, prépa matos+casse dalle
et en route ! Quelques bornes plus loin la bagnole s’arrête et cette
fois-ci pour de bon. Vous l’aurez
compris c’est mort !
On est comme des couillons, complètement perdus dans
le troufion de l’Allemagne de l’Est et personne ici ne parle Anglais. Marc
rentre à pied à la maison et avec Rémi on est parti pour 12 heures de galère…
Stop de voiture au milieu de la route, appel de l’assurance, 3 dépanneurs
différents, des centaines d’euros qui partent en fumée, le froid, la pluie et l’impossibilité
de retourner sur notre méga spot. En fin de journée, on rentre épuisé et
dégouté à la maison avec une voiture de location qui ne pourra pas tracter la
remorque avec les kayaks.
On ne sait pas combien de temps la réparation durera
puisqu’il faut changer l’alternateur. Dans notre malheur on a quand même de la
chance. Rémi arrive à louer la maison 2 jours de plus car se retrouver en plus
à la rue aurait été insurmontable. La soirée est rude, on doit accepter notre
sort et nous contenter d’un lendemain du bord en face de la maison. Bin oui, on
pense quand même à la pêche !
Cerise sur le gâteau les conditions seront
au top. On a vraiment les boules ! Au petit matin, la mine grisée, le
temps est comme promis : couvert avec un bon gros ventass ! Bah oui
c’est nickel, un temps de brochien ! Le spot de devant la maison nous fait
beaucoup moins rêver mais c’est la lagune de Rügen et nous ne sommes pas sûrs
de pouvoir la repêcher de notre vie ! On traîne les kayaks pour la
dernière fois et sur l’eau : ça bouge.
Les dérives sont rapides, trop
rapides, j’commence même à me faire des frayeurs ! Les creux atteignent
plus d’1m et le vent ne fait que s’intensifier.
15 minutes après, avec Marc, on
abandonne. On y retournera, après manger pour notre dernière après midi du bord,
dans une baie un peu plus abritée et surtout avec le vent dans le dos.
Après
nous être faufilés à travers la dense roselière nous tombons sur la fameuse
baie. A croire que seuls les sangliers s’y aventurent. On a de l’eau au-dessus
des genoux et dès le premier lancé je fais un poisson. Ils sont là, calibrés autours
de 70cm et nous font des attaques de furieux !
C’est pas les monstres de
nos rêves mais après nos déboires c’est du pur bonheur. Le temps est
complètement déchaîné ce qui décuple nos sens et nos émotions.
Attaques en
surface, chandelles, doublés ; voilà ce que peut donner la pêche sur cette
île ! Les « petits » brochets de cette dernière après midi nous
auront démontré qu’ils étaient bien présents et en nombre puisqu’on doit faire
plus de 10 poissons chacun en moins de deux heures.
Ils nous auront appris que
lorsqu’ils ne le veulent pas, on ne les verra pas. Ils sont invisibles,
inactifs, aux abonnés absents !
Ce poisson à la mouche c’est quelque chose
d’exceptionnel ! Son attaque, sa défense et sa traque remplissent le
pêcheur d’émotions intenses. Seul Adrien aura réussi à se frotter aux géants de
la baltique mais comme tout voyage de pêche rien n’est joué d’avance et même
dans les meilleurs coins du monde.
Comme beaucoup de poissons, le brochet sait
disparaitre de son milieu et une fois oublié ressortir pour reprendre sa place
de super prédateur. Chez nous, les gros et vieux spécimens sont très
certainement bien plus nombreux que l’on imagine mais leur comportement change.
Ils se sont adaptés au danger que nous représentons.
Cependant, une chance de
les capturer existera toujours. Un moment d’inattention de leur part et c’est
le pêcheur qui l’emportera. Marc ne vous dira pas le contraire puisqu’il vient
d’immortaliser le poisson d’une vie, un magnifique pike d’1m25 ; en
France. Belle revanche sur la baltique et sacrée leçon de patience et de
technicité ! Un poisson qui évidement a été pris sans ardillon et relâché
avec le plus grand des respects.
A la mouche plus que dans d’autres techniques
le temps et la patience sont bien plus difficiles à maitriser mais cette pêche
si particulière fait tellement de bien. Elle répare l’esprit et réconcilie le
pêcheur 2.0 et la nature.
Merci Adrien,
Marc et surtout Rémi de nous embarquer dans de telles aventures !
Le film de
ce trip sera bientôt retransmis sur la chaîne Seasons (février).
Matos utilisé :
-Canne SCIERRA big fly #10 -Moulinet SCIERRA traxion 3 # 9/11 - Soie SCIERRA inter(s3) big fly #10 -Bas de ligne SAVAGE GEAR Régénérator 1.05MM -Waders SCIERRAX-TECH CC6 -Chaussures de wading SCIERRA X-TRAIL - Veste de wading X-TECH JACKET
-Streamers de Marc (les mouches de Marc) -Kayak HOBIE OUTBACK -Gillet desauvetage SAVAGE GEAR life vest automatic. –Pince long bec SAVAGE GEAR pistoldeep throat hookout -Bagagerie étanche HPA
Merci à SCIERRA/SAVAGE GEAR /OKUMA (Svendsen), SAVAGER'S, HPA!!!
Il ne me
reste plus qu’à vous souhaiter le meilleur pour 2018 ; et pour moi ça
reste du temps dehors, avec les personnes qu’on aime, proche de la nature et de
l’eau qui devient si rare. L’évolution climatique risque de rendre notre
passion délicate à faire perdurer.